61. Le français du Québec

Lorsqu’en 1534 le navigateur Jacques Cartier découvre la baie du fleuve Saint-Laurent, il imagine avoir trouvé une route maritime en direction de l’Inde et espère, en chemin, y découvrir de l’or. Ces deux espoirs seront déçus. Pendant environ soixante-dix ans, le commerce de la pêche et des fourrures se développe, puis les premières colonies s’installent dans le territoire aujourd’hui appelé le Québec. Avec eux, ces colons apportent leur langue : le français.

Dans ce vaste territoire, aucune langue locale ne vient servir de sédiment phonologique au français, comme cela a été le cas dans le sud de la France avec l’occitan et dans le nord avec le picard. Un autre phénomène a pourtant lieu par rapport au français de France : au Québec, plus isolé géographiquement et parlé par moins de locuteurs, la langue évolue de manière plus lente. Si bien que le Québécois d’aujourd’hui parle un français relativement proche de celui pratiqué avant la Révolution de 1789. Traverser l’Atlantique en direction de Montréal, c’est un peu remonter le temps phonologique.

Aujourd’hui, les linguistes distinguent deux groupes dialectaux sur le continent nord-américain : le français acadien (Nouveau Brunswick) et le français laurentien (Québec, Ontario, Alberta). L’acadien de Louisiane est, comme son nom l’indique, proche du premier groupe.

ACTIVITÉ 61.1

Pour vous faire une première idée de l’accent québécois, écoutez le service en français de Radio Canada. Si vous tombez sur de la musique au moment de votre connexion, essayez à une autre heure de la journée ou faites une recherche sur l'internet pour trouver un autre programme :

Les voyelles (informations tirés de la page wikipedia consacrée à ce sujet)

  • conservation des distinctions entre [a] et [ɑ], [ɛ] et [ɛː] (ː signale une voyelle allongée), [ø] et [ə], et [ɛ̃] et [œ̃] alors que les secondes de chaque paire ont disparu en français standard ;
  • tendance à l’allongement des voyelles, jusqu’à parfois créer des diphtongues dans les syllabes fermées : maître devient [maɛ:tr] ou [maɛ̯tr] ;
  • en position finale, [a] devient [ɔ]. Canada se réalise en [ka na dɔ] ;
  • [ɛ̃] et [ɔ]̃ se ferment et se diphtonguent en [ẽĩ̯] et [õũ̯] dans toutes les syllabes ;
  • tendance historique à prononcer la graphie –oi [wa] en [we].

Les consonnes

Le trait principal du français du Québec concerne la production des consonnes affriquées d͡z t͡s, qui se caractérisent par la combinaison d’une occlusive et d’une fricative prononcées dans une même unité, surtout devant [i] :

  • moitié se prononce [mwat͡sje], dîner se prononce [d͡zine] et dieu se prononce [d͡zjø] ;
  • amuïssement de consonnes en position finale : possible devient possib’, correct devient correc’, reste devient res’, ministre devient minis’.

ACTIVITÉ 61.2
Écoutez attentivement l’extrait ci-dessous tiré de l’émission La Conversation scientifique d’Étienne Klein dans laquelle intervient Yves Gingras, professeur d’histoire des sciences à l’Université du Québec à Montréal. Yves Gingras donne son avis sur la « fièvre de l’évaluation » dont est victime la communauté scientifique aujourd’hui. Retrouvez les traits phonologiques propres au français du Québec.

Ce qui est frappant, c’est que depuis fin des années quatre-vingt-dix, en gros, on a assisté à ce que j’ai appelé la « fièvre de l’évaluation », surtout en Europe, beaucoup plus qu’aux Etats-Unis pour des raisons complexes. Et donc, on se dit : « ah oui, il faut évaluer les chercheurs ». Je me souviens même d’une déclaration que vous connaissez peut-être de Sarkozy qui disait : « vous savez, tout ce qui n’est pas évalué n’a pas de valeur ».

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