Le Commissaire (François Périer) sent que quelque chose cloche dans l’alibi que présente Jeff Costello (Alain Delon), un homme parmi les dizaines que ses agents ont arrêtés à la suite de l’assassinat d’un patron d’une boîte de jazz, le Martey’s. Pourtant cet alibi, double, voire triple, est sans défaut : Costello a tout organisé pour se faire voir la nuit du crime, et tout pour ne pas se faire voir au moment où il le commet. Aussi le policier, qui affirme ne penser jamais mais qui ne cesse de penser avec une obstination aussi forte que froide (Canonnne 58), fait filer l’homme par un de ses agents.
Jeff Costello est un tueur à gage qui, comme l’apparence que se donne le Commissaire, ne semble pas réfléchir. Si on le paie pour tuer, il tue. Mais si on ne le paie pas, et qu’en plus on tâche de l’éliminer, alors que la police est à ses trousses, il lui faut user de toutes les ruses possibles pour remonter jusqu’à la source des commanditaires, tout en échappant au contrôle de la force publique. C’est aussi un homme solitaire, obéissant à un code d’honneur semblable à celui des samouraïs.
L’affrontement prend bientôt la forme d’un duel entre le tueur à gage et le policier. Le second dispose de toutes les techniques nécessaires à la communication entre lui et ses hommes : téléphone installé dans des automobiles banalisées, appareils enregistreurs à distance et autre « ‘émetteur arsenide de gallium », sorte de GPS avant la lettre permettant d’identifier la position de ses émissions à partir d’un plan lumineux du métro.
Le Commissaire est un homme d’intérieur et amoureux de plans et de cartes. Sa connaissance intime de Paris lui permet de suivre les mouvements du suspect sans quitter les locaux du Quai des Orfèvres. Cinquante de ses hommes et vingt agents auxiliaires sont à ses ordres pour mettre en place une filature dans le métro et en surface. Une toile humaine et technique se forme pour maintenir un contact visuel constant dans le labyrinthe qu’est Paris, sous terre et en surface.
Trois fois Costello parvient à déjouer les pièges de la surveillance policière. En quittant les locaux de la police où était en garde à vue, il prend un taxi qui le dépose au 1, rue Lord Byron, un immeuble à double issue. Sorti côté Champs-Élysées, Costello prend alors le métro, direction Vincennes, où il parvient à semer son suiveur. La seconde surveillance est statique: rentré chez lui, il remarque la nervosité de la femelle de bouvreuil qu’il garde en cage dans sa chambre, et en déduit qu’on a en son absence pénétré dans son appartement. Il trouve en effet contre une fenêtre un microphone. Enfin, la vaste filature dont il finit par faire l’objet dans le métro de Paris échoue elle aussi. Les agents ont beau se relayer, et ne jamais rencontrer son regard, Costello, lui, les repère, et parvient à s’en défaire, dans un interminable couloir de la station Châtelet.
La police finira par trouver Costello au Martey’s, lieu choisi par le tueur pour organiser sa propre disparition. Braquant son revolver sur la pianiste, témoin silencieuse du premier assassinat, il est abattu par la police. Son arme était vide.
- Le Samouraï de Jean-Pierre Melville 1967.
- Xavier Canonne. Requiem pour un homme seul: Le Samouraï de Jean-Pierre Melville. Morlanwelz (Belgique): Les marées de la nuit, 2010.